Centre Culturel Canadien - Art Inuit
Visite de l’exposition au Centre Culturel Canadien avec les élèves de l’enseignement optionnel et de spécialité en Janvier 2025.
Pour célébrer le 25e anniversaire de la fondation du territoire du Nunavut, au Canada, et le 65e anniversaire de la West Baffin Cooperative de Kinngait, située sur l’Ile Dorset dans le sud-ouest de la Terre de Baffin, le Centre culturel canadien re-déploie son exposition historique, Fantastique Kenojuak Ashevak (2013), avec un nouvel ensemble de gravures et sculptures de la prestigieuse collection Claude Baud et Michel Jacot. L’exposition réunit près de 130 œuvres associées alternativement par artistes, par thèmes (hiboux, corbeaux, buffles musqués, esprits de l’océan arctique, légendes et cosmogonie, ancien et nouveau monde) ou par structures ou résonnances stylistiques et formelles (compositions en miroir, sculptures métamorphiques en équilibre sur un pied, ou encore eaux fortes et aquatintes versus gravures sur bois). Le parcours a été pensé et construit par la commissaire Catherine Bédard.
La West Baffin Cooperative de Kinngait est la plus ancienne organisation artistique autochtone du Canada et a fait connaître au monde les gravures des artistes inuits pour la première fois. L'art inuit est la production artistique des peuples traditionnels du Groenland, du nord du Canada, de l'Alaska, et de la côte nord-est de la Sibérie. L'expression art inuit est problématique car la notion « art » n'existe pas dans le monde inuit avant la rencontre avec les occidentaux. C'est après la Seconde Guerre mondiale que se développe une production d'art contemporain à la suite de la création en 1906 de la Guilde canadienne des métiers d'arts qui favorise l'émergence d'un marché de l'art inuit.
Les élèves ont pu admirer le thème de la figure hybride très récurrent dans l'art inuit. Ils ont pu établir des liens avec le courant du surréalisme notamment parce qu’ils ont pu auparavant au mois d’octobre 2024 voir l’exposition intitulée Surréalisme au Centre Pompidou. Ce mouvement du XXe siècle explore le rêve, l’inconscient et l’absence de frontière entre imaginaire et réalité. L’élément de l’hybridation de l’animal et de l’Homme est aussi très présent dans ce mouvement. En effet, dans le surréalisme, les chimères montrent une exploration de l’inconscient tandis que dans l’art inuit elles expriment plus le lien spirituel entre les esprits, animaux et Hommes mêlant dimensions onirique et réelle. La peinture « Birthday » de Dorothea Tanning (conservée au musée d’art de Philadelphie) de 1942 qui mesure 102.2×64.8 cm en est un bon exemple, Aux pieds du portrait en pied de Dorothea se trouve un animal que l'historienne de l'art Whitney Chadwick a appelé le « lémur ailé ».
La lithographie est un médium important qui occupe une place prépondérante dans la culture et l’art inuit. Grâce à elle, les artistes donnent vie aux histoires folkloriques locales sur les animaux et leur métamorphose. Un mur de la première salle de l’exposition est entièrement consacré à des lithographies de divers oiseaux indigènes, tels que des corbeaux, des faucons, des canards et le plus célèbre d’entre eux, le hibou. Les élèves de première à l’issue de cette visite sont amenés à réfléchir à ces motifs pour les réinterpréter par le dessin. La gravure de Kenojuak Ashevak « Raven’s voyage » de 2001 représente deux corbeaux se tenant dos à dos. Elle utilise l’aquatinte pour créer une riche combinaison d’ailes indigo sur les oiseaux orange brûlé et de rouge cramoisi s’écoulant à leurs pieds. La symétrie est également un élément clé de cette œuvre et se retrouve souvent dans la lithographie inuit, évoquant la notion d’équilibre chez les êtres vivants. Ce principe est une contrainte à respecter pour l’élaboration de ce travail graphique formulé de la manière suivante : Imaginez votre propre hybridation en vous inspirant des sujets iconographiques présentés dans l’exposition sur un format Raisin (50 x 65 cm).
La variété des œuvres exposées illustre l’importance de la spiritualité, comme en témoignent les représentations de légendes articulaires, d’esprits d’animaux et de leurs métamorphoses. Elles montrent également les coutumes et les traditions de la vie quotidienne des premières nations sous un angle contemporain grâce à l’implication du duo de collectionneurs franco-suisse mentionnés en introduction.
Photos Nadine Averink