MAIF Social Club - Faisons corps
L’ensemble des élèves de premières et de terminale ont pu découvrir l’exposition intitulée « Faisons corps ». Ce titre qui sonne comme une invitation est orchestrée par le Maif Social Club. A travers elle, 14 artistes nous racontent les corps pour comprendre les représentations sociales, politiques et culturelles de cette enveloppe charnelle. Guidés par Tristan, notre médiateur, les élèves se sont questionnés sur le sens de certaines œuvres exposées.
Dans la première partie, Mesurer nos forces, les élèves ont observé le corps anatomique en explorant son intérieur à travers l’écorchée AnatomIA tissée par la plasticienne Roxane Andrès. C’est un corps écorché car les organes sont visibles. On peut voir des muscles, des nerfs, des vaisseaux sanguins, l’appareil génital. Les organes sont réhaussés par des fils de couleurs et des broderies, certaines parties sont amovibles, l’œuvre est manipulable. Son titre renvoie aussi à la manière dont le motif a été imaginé : grâce l'intelligence artificielle (IA). L’artiste revisite la tradition des écorchés en faisant référence aux travaux d’aiguille attribués généralement aux femmes.
Trois chaises sont disposées côte à côte, devant un écran. Leur armature en métal est enrubannée de sangles en textile résistant.
A l’écran, une vidéo sous-titrée en plusieurs langues présente une femme assise sur la chaise en train d’effectuer divers mouvements en utilisant le rebond naturel de la chaise présentée en vrai. Schaises / bounce station est le titre de cette installation imaginée par la designeuse Stéphanie Morin. Les sChaises permettent une assise mobile et mettent irrésistiblement le corps en action, même au repos comme ont pu l’expérimenter les élèves. Cet ensemble questionne les multiples injonctions à la bonne santé et au corps performant en parodiant les vidéos de Fitness qui promettent un corps idéal en invitant le spectateur à reproduire les chorégraphies proposées.
Dans la deuxième partie de l’exposition, Identifier d’où nous parlons. Les élèves ont pu se confronter aux singularités et aux identités multiples. En premier lieu avec l’installation nommée Le curieux / human II, constituée d’une sculpture hyperréaliste en silicone, revêtue de vrais habits, ornée de vrais cheveux qui observe un portrait mural un visage reconstitué un écorché en relief photographié et présenté selon un principe de 3D stéréoscopique ou réseau lenticulaire dit système Alioscopy. Ce jeune homme, en contemplant le portrait émacié de son ancêtre, semble méditer sur sa lignée, scrutant l'évolution corporelle à travers des millénaires, questionnant son identité inscrite dans son ossature et ses muscles, interrogeant la singularité de sa forme. Avec ce travail, Elisabeth Daynès questionne l’identité à travers les traits de son propre fils qui a servi de modèle. En rencontrant le Curieux, les élèves sont confrontés à leur propre capacité à observer et être observés.
Un dessin en noir et blanc représente une femme contorsionnée dans un espace confiné. Son corps revêtu de sous-vêtements blancs semble être à la torture pour se maintenir en position. La femme porte des talons aiguilles à ses pieds. Un motif graphique de lignes noires se déploient en éventail à partir du ventre arqué de la femme. Devant ce dessin, des fragments de corps en terre cuite sont dispersés. Une oreille, un pied, une main, un visage, un chapelet d’yeux... Ils sont identifiables malgré leur dimension hors échelle, déformés, colorés, constellés de paillettes, posés sur des socles noirs. Le sourire de Judy (le dessin) et Les pièges des rêves perdus (les pièces en argile colorées) de Myriam Mechita évoquent les sentiments partagés par toutes les femmes, contraintes dans un espace prédéterminé, obligées d'occuper un monde qui n'est pas spécifiquement conçu pour elles, et de maintenir une posture attendue mais intenable.
C’est à travers la motricité et les perceptions que la troisième partie de l’exposition invite à Se mettre en mouvement. Une centaine de rubans multicolores sont suspendus à la verticale formant une installation cubique, conçue in situ. Un élève rentre. Le textile s’agite, mis en mouvement par les gestes et la présence de ce visiteur. A l’intérieur, impossible de garder des repères. Entourée de couleurs vives, la peau de ce visiteur entre en contact avec la douceur du satin puis rencontre d’autres corps ceux de ses camarades venus le rejoindre à l’intérieur de l’œuvre nommée The wonderful world of abstraction. En nous invitant à fondre notre corps dans son œuvre, Jacob Dahlgren souhaite rendre accessible à toutes et à tous l’art abstrait, mouvement artistique du XXème siècle qui s’est débarrassé de la figuration des corps. Chacun peut alors ressentir sa propre disparition au profit des matières, des lignes, et des couleurs, existantes pour elles-mêmes.
Deux corps s’appuient l’un sur l’autre : voici Hillary et Burt. Leur chair est composée de manchons en tissus matelassés déclinés dans un camaïeu de couleurs rose pastel. Si on observe leurs yeux, on s’aperçoit que les sculptures sont creuses : ce sont des costumes créés par Daisy Collingridge. Cette œuvre Lean on me, est fabriquée avec la technique du matelassé, elle représente des costumes de chairs en tissu, se référant à ce qui se cache à l’intérieur de nous : nos organes mais aussi nos émotions, notre personnalité, notre monde intérieur. Les couleurs pastel exagèrent la chaleur de la peau et son côté sensoriel, les élèves les ont comparés à de gros doudous, ils ont apprécié la tendresse de ces corps qui s’enlacent et ont ri en apprenant que les prénoms choisis étaient ceux des parents de l’artiste.
Dans la quatrième partie, Agir de tous nos corps, les spectateurs sont amenés à faire corps. Une boule est installée sur une stèle. Nous sommes invités par Tristan à poser notre main dessus. Si quelqu’un entre en contact physique avec nous des lumières et des sons se créent. Plus les contacts humains sont nombreux, plus le spectacle technologique change et les lumières fluctuent. Cette œuvre participative nommée Lights contacts réalisée par le duo d’artiste Scénocosme invite à une expérience collective éphémère que les élèves ont réalisé avec enthousiasme.
Le parcours s’est achevé avec un tondo encadré par un cadre doré de style baroque, c’est une peinture qui montre un cavalier sur son cheval. Il s’agit d’un homme casqué et portant un sac affublé d’un logo. Le cheval est non sellé. Ils se tiennent dans un décor d’extérieur, de ruelle, avec un mur décrépi. Les deux personnages nous tournent le dos et nous laissent entrevoir uniquement le profil du cavalier. Vany est le titre de la toile, prénom probable du cavalier représenté. Avec ses tableaux, multipliant les références à l’histoire de l’art et à la peinture classique, Arnaud Adami rend hommage aux forces vives de nos sociétés dites ubérisées : celles et ceux que l’on croise quotidiennement mais auxquels on ne prête aucune attention, ces travailleuses et travailleurs invisibilisés et dépersonnalisés. En se jouant des codes de la représentation, en s’inspirant de la peinture royale et en donnant au tableau le nom de son modèle, Adami nous invite à porter une plus grande considération aux invisibles de notre société.
Il s’agissait donc, pour les élèves, à travers les explications donnés par Tristan, de dépasser les a priori, d’aller au-delà des apparences, de s’aventurer dans des mécanismes de pensées hors de la norme pour dépasser les préjugés. Toutes les œuvres citées questionnent notre rapport au monde, notre rapport aux autres, notre rapport à la société. À travers elles , le MAIF Social Club transforme notre regard et invite à voir autrement.