Eglise de la Madeleine - Street Art

Publié le par Nadine Averink

Sortie avec les élèves de 1e de l’enseignement de spécialité arts plastiques pour l’exposition intitulée "Street art Madeleine" dans la crypte de l’église.

Cette exposition temporaire a réuni le travail de 106 artistes avec la présentation de 200 œuvres acquérables. La galerie à l’origine de cet évènement se nomme Roussard, elle a la particularité d’être itinérante depuis 2023. Pendant 10 jours, sous la houlette de cette galerie et de Codex Urbanus, la crypte de la Madeleine accueille les œuvres de ces artistes qui ont en commun de créer en toute liberté, sans contrainte, dans la rue, sans institutionnalisation, commandes ou souci du Marché de l’art. Même si certains ont une pratique d’atelier et exposent en galerie, la rue reste leur terrain d’expression ils y retournent régulièrement en « vandale » pour partager directement avec le public : ces passants férus ou non d’œuvres d’art. « L’art de rue est impulsif, une réaction face au moment présent, une envie sans filtre », souligne Codex Urbanus, street artiste parisien auteur d’un véritable bestiaire constitué d’improbables chimères (plus de 600 animaux).  Pour les créer il utilise comme outil un feutre POSCA, un marqueur à peinture, rapide et efficace pour dessiner rapidement des paires d’ailes, des tentacules ou des pattes velues. Il précise : « Je ne travaille que sur des murs déjà peints… et libres ! Nous sommes dans une ville très belle et je ne peins pas sur des murs en pierres de taille ! J’attends un décrochement de façade, un mur aveugle, ou un espace déjà peint et libre ! »

Le street art est un anglicisme pouvant se traduite par l’art de la rue, il renvoie à un mouvement artistique utilisant l’espace urbain comme champ d’intervention. Il s’affirme ou se revendique à partir de la fin du 20e siècle. Aux origines illégales, subversives et éphémères, il s’agit en général d’œuvres ou de productions plastiques prenant en compte le contexte de création de manière à le questionner, l’explorer, le détourner, le signer ou le sublimer sans volonté de le dégrader. Codex Urbanus explique : « Le street-art c’est le fait de placer de l’art gratuitement, systématiquement et sans autorisation dans l’espace public. »

Zoé Picard Delahodde, qui a pu guider nos pas dans l’espace d’exposition, parle « d’art vandale » pour désigner des œuvres qui prennent place dans la rue avec une utilisation transgressive de celle-ci puisque soumise à des règles juridiques. Les pratiques artistiques non autorisées dans l'espace public ont acquis une reconnaissance puisque le street art est présent dans les galeries et les musées, mais les artistes s’exposent à des amendes : la réalisation de leur œuvre par nature illégale met donc en cause sa pérennité même.

Le street art regroupe toutes les formes d’art réalisés dans l’espace public et englobe diverses techniques telles que le graffiti, la peinture murale, le trompe l’œil, le pochoir, la mosaïque, le sticker, l’affichage, le collage, les installations comme le tricot urbain. Certaines formes de performances peuvent être incluses dans le concept d’art urbain. Cet art éphémère s’inscrit en général hors des circuits du Marché de l’art mais certains artistes utilisent le médium photographique pour conserver trace de leur intervention, la photographie devient ainsi « l’œuvre en soi ». Deux types de street art coexistent à Paris. Si l’on veut voir du vandale, c’est-à-dire du fait sans autorisation dans l’espace urbain, il faut aller à l’Est et au Nord : Montmartre (Codex Urbanus, Gregos), la Butte aux Cailles, le canal de l’Ourcq (Da Cruz), Belleville (Ender), Ménilmontant (Fred le Chevalier, Philippe Herard, Ender) et dans le 13e arrondissement. Pour voir de l’art autorisé, certains lieux où associations organisent un turn-over d’artistes avec une programmation : c’est le cas d’Arta Zoï, du mur Oberkampf ou du Spot 13. D’autres lieux bénéficient d’une certaine tolérance comme le mur Ordener (18e), ou la pointe Poulmarche (10e) au bord du canal Saint-Martin ou la rue Desnoyers, à Belleville. Le boulevard Paris 13 dans le 13e, expose quant à lui du muralisme XXL sur des façades d’immeubles des années 1960 et 1970, grâce à l’initiative de la mairie du 13e et de galeries comme Itinérance ou Mathgoth, qui font venir de grands noms internationaux du street art.

Dans la crypte de la Madeleine les élèves ont pu admirer plus particulièrement le travail des artistes suivants :

La Dactylo est une artiste qui réalise des pochoirs-textuels lors de Dactylotours. Elle travaille dans le 20e arrondissement, sa spécialité, les jeux de mots, les rimes, les aphorismes, les néologismes comme « Je m’attache à toi lierre de rien » ou son fameux « Rater sa vie, c’est déjà ça » .

Charles Leval dit Levalet

Charles Leval dit Levalet. Son œuvre est avant tout un travail de dessin et d’installation. Il met en scène des personnages dessinés à l’encre de Chine à échelle 1 dans l’espace public. Quand il trouve le lieu idéal où s’exprimer, il le photographie, le mesure, il utilise les fissures, les taches le mobilier urbain pour créer son dessin de personnage sur mesure. Ses inspirations : lui-même ou des modèles qu’il fait poser spécialement.  Ses collages réalisés in situ sont des pièces uniques. Dans l’exposition, il nous présente des tableaux-objets qui associent peinture de personnages sur panneaux de bois détourés et objets réels.

Martin, aka Tegmo réalise des sculptures murales avec des miroirs, du cuivre, de l’étain et du bois. Ce sont des pièces fractionnées à l’aspect kaléidoscopiques qui évoque la technique du vitrail. Il a commencé par coller dans la rue des formes géométriques simples voir très éclatées, accompagnées de plantes pour végétaliser la ville. Ses vitraux en volume sont constitués de fragments de miroirs. Cependant dans ces miroirs le spectateur ne peut se voir de face, les miroirs reflètent en fait l'espace qui l'entoure et les petits détails qui lui échappent. De ce fait, en fonction de l'emplacement de l'œuvre, une nouvelle perception de la réalité s'offre au regardeur.

Le Cyklop

Le Cycklop. L’objet fétiche du Cyklop est un potelet anti-stationnement sur lequel est peint un œil unique d’où son pseudonyme.  Cet artiste explique : « En puisant dans l’histoire d’Ulysse et du Cyclope, j’interprète la mythologie grecque à la sauce Toy ». Il intervient in situ ou bien il créé des sculptures à partir de ce mobilier urbain.

Jérôme Mesnager a inventé un personnage « L’homme blanc » qui selon les propos de l’artiste est « un symbole de lumière, de force et de paix » le 16 janvier 1983. C’est une silhouette blanche que l’artiste reproduit à Paris et dans le monde entier.

 

Jaeraymie

Jaëraymie présente des caricatures peintes, une série de portraits de politiques intitulée « Distorsions ». Les peintures originales sont réalisées à l’huile et à l’acrylique sur papier de 160 x 220 cm, puis elles sont encadrées avec un vrai cadre pour signifier leur statut d’œuvres et installées dans la rue. Une fois les peintures installées, l’artiste poste les photographies de celles-ci sur son compte Instagram. Chaque œuvre de cette série s’accompagne d’un story-telling. Pour le portrait d’Emmanuel Macron exposé à Amiens dans le quartier de Saint-Leu le 18 Février 2022 sur le mur de l’ancienne vinaigrerie de la Friche Benoit, le texte proposé était :

Et si Emmanuel Macron était un gilet jaune ?

Et si Emmanuel Macron avait reçu un tir de LBD40 Lors d’une manifestation.

Et si Emmanuel Macron n’était pas encore le Président de la République.

Avec ce travail l’expression « artiviste » prend tout son sens autour d’une fiction qui invite à se questionner et à réfléchir sur le statut d’une œuvre d’art. Dans sa série « Le Romantisme, c’est un truc de bonhomme » il détourne des personnages de cinéma qui tiennent des armes comme le personnage de Bourvil dans Le Cercle rouge du cinéaste Jean-Pierre Melville. Il leur met dans les mains non plus le pistolet mais des roses. Avec cet aphorisme, il dénonce le machisme comme démonstration de virilité, invitant les hommes à adopter une posture plus poétique ou romantique avec les femmes. Ses œuvres apportent, pour nombre d’entre elles, un regard ironique et critique sur notre société.

 

Photos Nadine Averink

Publié dans Sorties

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