MAIF Social Club - Le temps qu'il nous faut
Sortie avec les élèves de l’enseignement optionnel de première et de terminale en février 2024 au Maïf Social Club pour l’exposition Le Temps qu’il nous faut, visites guidées accompagnées par une médiatrice.
Douze artistes contemporains ont créé des sculptures, des installations, des œuvres visuelles, tactiles ou auditives autour de cette question du temps et des paradoxes qu'elle suscite. L'exposition s'interroge sur ce rapport ambigu, cette relation complexe qui lie les Hommes au temps. Les artistes montrent le lien qui unit la philosophie, la société de production et de consommation, le travail et la santé, le rapport avec la nature, à cette problématique de temps qui nous questionne. L’ensemble de la scénographie est divisé en plusieurs sections titrées selon des chansons d’hier ou d’aujourd’hui.
Dans la première partie de l’exposition, « Alors on danse », en référence au tube de Stromae, nous avons exploré le Temps à vivre. Dans une salle circulaire, les sculptures et les créations textiles de Julia Haumont parlent du temps improductif celui où l’on rêve, se prélasse. Cette section se clôture solennellement avec le ballet pour chaussures imaginé par Arno Fabre.
Dans la deuxième partie, La complainte du progrès, en hommage à la chanson de Boris Vian, trois artistes dénoncent avec ironie l’accélération sociétale dans laquelle chacun de nous est emprisonné. Karine Giboulo imagine un monde avec une installation de sculptures suspendues nommée Bulle de vie où de minuscules personnages s’affairent dans une Nature où le sol ne sera plus qu’une vaste poubelle. Les élèves ont immédiatement évoqué le vortex de déchets du Pacifique nord, un vortex de déchets du gyre subtropical du Pacifique nord, également connu sous le nom de gyre de déchets, soupe plastique, sixième ou septième continent, vortex d'ordures ou encore grande zone d'ordures du Pacifique Nord. On parle même de « continent de plastique » pour l’évoquer. La médiatrice a précisé que cette zone a été découverte en 1997 par l'océanographe et skipper américain Charles J. Moore.
La boutique Kenji Kawakami où trônent une trentaine de « Chindogus » des objets aussi fonctionnels qu’inutiles qui raillent notre culte de l’hyper fonctionnalité a suscité de nombreux rires parmi les élèves interloqués et amusés notamment par le parapluie pour chaussures, ou encore les lunettes à entonnoir pour se mettre des gouttes dans l’œil. Celui qui a remporté tous les suffrages est la grenouillère- serpillère pour bébé. L’artiste nippon voulait dénoncer avec cette forme d’art qu’il a inventé dans les années 80, le consumérisme excessif, en japonais, « chin » signifie « rare et étrange » et « dogu », « outil ». Cette section se termine avec les deux personnages sculptés de Daniel Firman avec leurs bras jonchés d’objets ce qui a pour conséquence de les faire ressembler à d’étranges créatures hybrides : des humanoïdes dont la tête et le buste sont formés d’un agrégat de déchets.
Les questions soulevées à travers ces œuvres sont le reflet de notre manière actuelle de consommer : qui portera la responsabilité de nos surproductions et de leurs conséquences ingérables ? Et que se passera-t-il si nous continuons à vivre ainsi ? L’exposition tente d’apporter des réponses à travers la dernière section intitulée C’est comment qu’on freine ? d’après une chanson d’Alain Bashung co-écrite avec Serge Gainsbourg. Lyes Hammadouche nous propose de considérer l’instant présent et de laisser l’empreinte de notre passage à travers 2 œuvres interactives .
La première s’appelle Black Sun. Elle se compose d’un miroir au centre qui semble ne pas tourner avec un bras qui part du miroir et, sur le bras, un crayon se déplace. L’œuvre s’actionne quand le spectateur est en face du miroir : le bras commence à tourner. Il fait un tour en cinq minutes. Le crayon se positionne pile à l’endroit relatif entre lui et le mur. S’il est près du miroir, le crayon trace un petit cercle sur le mur parce que la distance du bras sera plus courte. Et inversement s’il est éloigné, le cercle sera plus grand. Après plusieurs mois d’exposition le mur deviendra noir d’où le titre Soleil noir. Les ratures, les enchevêtrements des lignes seront là pour nous centrer dans le réel, pour laisser une trace. L’installation technique elle-même encourage le spectateur à laisser sa marque sur le mur tout en l’invitant à rester immobile. Cette activité est inspirée par la méditation. L’immobilité du spectateur deviendra un cercle parfait en quelques minutes, qui s’assombrira plus il reste longtemps. Le soleil noir évoque la pierre noire de la Kaaba. Les croyants pensent que cette pierre était blanche au départ et qu’elle a été assombrie par les âmes humaines.
Quant à Michel Blazy il explore la relation entre le temps et le vivant, il présente des micro-mondes où la nature reprend ses droits et se développe à l’intérieur de structure improbable telle une vieille chaussure de tennis. Duy Anh Nhan Duc a imaginé des suspensions, ce sont plusieurs sculptures réalisées à partir d’aigrettes de pissenlits, cette installation délicate suspend le temps et nous invite à contempler la poésie de la fragilité d’un instant. Le plasticien né à Saïgon au Vietnam explique :
« Cette fleur évoque à elle seule toute la beauté du monde et en même temps sa grande fragilité. Symbole de liberté et de nature indomptée, c’est une plante qui fleurit sur la quasi-totalité de la planète. Peu importe qui on est ou d’où l’on vient, le pissenlit a un pouvoir de réminiscence fort sur chacun d’entre nous. Devant lui, on est rattrapé par un plaisir simple de l’enfance, celui de souffler dessus pour faire un vœu et voir s’envoler ses milliers d’aigrettes. Le pissenlit a le pouvoir de réveiller l’enfant intérieur qui est en chacun de nous, à un instant de notre vie où nous cultivions encore un lien privilégié avec la nature.” (Citation extraite d’un article Web du Centre d’Arts et de Nature de Chaumont-sur-Loire, exposition Duy Anh Nhan Duc « Champ Céleste » 2018)
Pour admirer ses sculptures aériennes les élèves se sont allongés sur les îles imaginaires de l’artiste Julie C. Fortier : ses créations en textile olfactif abordent la façon dont nous pouvons habiter ensemble le monde à venir en étant plus respectueux de tous les êtres qui nous entourent humains, animaux, végétaux et minéraux. L’œuvre présentée est une installation nommée La gravité probable des ondes constituée de tapis parfumés aux arômes relaxants telles que la mandarine rouge, la lavande ou la camomille. Les trois parties de cette œuvre sont liées par des fils de laine qui font penser à de l’écume. L’artiste explique :
« Elles créent du lien ; d’autant plus ce sont des fils de laine phosphorescente. Elles sont un cadeau pour ceux qui ferment l’exposition : quand ils éteignent toutes les Lumières, cela s’allume et a sa vie propre pendant la nuit. Je les ai vraiment pensées sur le modèle du cerveau, comme des routes de communication. J’ai pensé aussi aux mycéliums, ces champignons profondément enfouis dans la terre et qui font communiquer les arbres entre eux… » (citation extraite d’un article Web de Yael Hirsch du 25/10/2023 pour cult.news)