Terminales - spécialisation arts : Philippine

Publié le par Nadine Averink

Mes projets par le choix des matériaux impliquent souvent le spectateur. S’il est question du corps, comme celui-ci est fragmenté et que le visage est absent, toutes les parties représentées peuvent correspondre à des modèles alors qu’il s’agit d’une autoreprésentation ce qui permet de mettre en jeu les notions de portrait et d’autoportrait. On peut parler de travestissement notamment avec la série photographique et le tableau-relief. Dans mes travaux s’’il est question d’hybridation dans le choix des matériaux on peut constater au niveau des sujets de représentation une prédilection pour le corps celui de modèle ou de mon propre corps. Ces choix se rattachent aux genres cités plus haut. Les images ainsi créées posent la question de la ressemblance ou de l’écart vis-à-vis du modèle et s’intéressent à des parties du corps autres que le visage traditionnellement consacré à l’art du portrait. Depuis le 20e siècle la notion de portrait ou d’autoportrait n’est pas obligatoirement traitée par l’intermédiaire du visage ou de la tête comme le montrent les photographies de John Coplans ou l’autoportrait de Malevitch intitulé : Autoportrait à deux dimensions, 1915, (Kasimir Severinovitch Malevitch)

Ma technique de prédilection est la photographie, elle a plusieurs rôle celle de “témoin” comme dans le cas des sculptures celle en argile, mais dans le même temps je fais le choix de présenter plusieurs images pour une mise en scène donc cette technique pour moi revêt un double statut celui de rendre compte d’un travail en volume et de médium (ou technique) comme le dessin, la peinture, etc.

Donc le traitement des images, celui de ma propre image (mon  identité mais aussi celui de mes modèles) est source de questionnement. L’ironie est omniprésente dans bon nombre de mes réalisations.

 Deux éléments sont importants pour moi : le support et le matériau

Support : surface ou matière qui reçoit la trace d’un outil ou sur lequel sont déposés des matériaux comme une couche de peinture, d’encre ou de pigments, ou encore des éléments tridimensionnels. Dans le langage technique, on parle de subjectile. Un support peut être passif (neutre, il se fait oublier), actif (il modifie la trace de l’outil ou le matériau) ou encore productif (il produit lui-même la trace, par exemple lors d’un pliage). En sculpture, le support est un socle. Si l’ère du numérique dématérialise le support, mon travail reste axé sur sa présence physique.

Le matériau: désigne toute matière transformée ou non qui sert à construire et, du point de vue des arts plastiques, ce en quoi est fait une œuvre d’art (marbre, bronze, toile de coton ou de lin, etc…).

Aujourd’hui, la frontière peut être ténue entre le matériau et le support, cette indécision entre les 2 m’intéresse tout comme l’utilisation de matériaux à la base non artistique comme le sac poubelle, les végétaux, le coton, les cheveux ainsi que l’hybridation des matériaux entre eux.

Travail n°1 : Avant-bras nuageux

Ce bas-relief représente une silhouette blanche : un avant-bras (le mien). L’utilisation du coton sollicite le sens du toucher du spectateur. Je me suis inspirée d’A. Giacometti, de Louise Bourgeois ou bien d’Anette Messager par rapport au principe de fragmentation. Dans un espace d’exposition ce travail serait « fragile » pour y remédier une indication au sol pour ne pas franchir la ligne blanche tiendrait le spectateur à distance. Puisque j’ai détouré au crayon cette partie de mon corps, il s’agit d’une représentation à échelle 1. « Monochrome » signifie d’une seule couleur. Mais le support n’étant pas de la même teinte que l’objet représenté, il serait préférable de parler de « camaïeu ». Le paradoxe est d’inciter le spectateur à toucher l’œuvre par l’utilisation de ce matériau doux très doux mais de le maintenir à distance.

Travail n°2 : autoportrait en miroir

Il s’agit d’un travail recto-verso un autoportrait photographique sur une face et sur l’autre un bas-relief constitué d’un élément réel collé : une perruque blonde. Il est question à la fois d’une représentation et d’une présentation puisque la perruque est détournée de sa fonction au départ et fait office de représentation de ma chevelure. L’absence de visage est une déshumanisation.

Dans cette combinaison de deux images, je sollicite encore une fois le sens du toucher, avec les cheveux artificiels. La surface de l’image photographique comme celle de la perruque est brillante. En référence aux œuvres de Daniel Spoerri, je pourrai utiliser l’expression « tableau-piège », dans son œuvre intitulée  Le repas hongrois, l’artiste utilise du métal, du verre, de la porcelaine et du tissu. L’ensemble est collé sur de l’aggloméré peint. A l'occasion de l'exposition de Daniel Spoerri "723 ustensiles de cuisine" où s'est déroulé un Service Restaurant du 02 au 13 mars 1963. A l'issue de l'exposition, chaque table ayant servi aux repas est devenue un tableau-piège. Les restes du repas ont été fixés sur les tables, puis fixés au mur de la Galerie J.8 dans le 6e à Paris.

Je me suis aussi inspirée de la série Hairstyles de J.D Okhai Ojeikere qui rassemble plus de 1 000 clichés. Chaque coiffure est photographiée systématiquement de dos, parfois de profil, rarement de face. « Une photo de face ne montre rien, celles de dos sont presque abstraites et révèlent la structure. » Mais aussi des photographies numérique d’Anthony Aziz et Sammy Cucher et de l’huile sur toile de René Magritte intitulée Le Viol.

Travail n°3 : autoportrait en aluminium

Il s’agit d’un bas-relief constitué par une forme découpée (la silhouette échelle 1 de mon buste). La représentation du corps sous la  forme d’une silhouette monochrome (aluminium) ne permet pas une identification précise. De par la posture et en fonction de l’accroche du panneau, accroché au mur ou au sol, la position du corps est différente à la verticale (debout) posé au sol allongée. Dans cette 2e possibilité on peut penser à la figure d’un gisant (Statue funéraire représentant le défunt étendu). Pour l’utilisation de l’aluminium, j’ai pensé à l’œuvre de Kader Attila intitulée Ghost de 2007 (Ensemble de 102 sculptures réalisées par superposition de nombreuses couches de feuilles d'aluminium. Chaque pièce est moulée sur le corps d'une femme agenouillée en position de prière. Ces sculptures, alignées et disposées au sol, toutes dans la même direction, sont visibles de face et de dos.).

Travail n°4 : apparition

Ce projet comporte plusieurs étapes, la première est la réalisation d’un modelage en terre cuite puis Ce volume est mis en scène, recouvert de neige il se dévoile progressivement sous la forme d’une série photographique. La composition est une frise et pour l’ensemble du panneau on peut parler de polyptyque. Ce qui m’intéressait dans cette présentation est que la terre (argile) se modèle tout comme la neige avec laquelle on peut sculpter mais les deux matériaux s’opposent par leur texture et leur couleur. Le fait de travailler avec ce matériau naturel m’évoque les séries photographiques d’Andy Goldsworthy comme Snow Shadow Brough  Andy Goldsworthy est un artiste britannique qui produit des sculptures intégrées à des sites spécifiques urbains ou naturels. Il est l'un des principaux artistes du Land art et utilise des objets naturels ou récupérés pour créer des sculptures éphémères ou permanentes faisant ressortir le caractère de leur environnement.

 

Travail n°5 : corps en lignes : La femme sous toutes ses lignes

 

Il s’agit d’une série de 7 dessins figuratifs sur calque superposés. Le principe de superposition brouille l’image de départ, le motif de la danseuse s’hybride et donne naissance à une nouvelle figure un peu monstrueuse. J’aime beaucoup les dessins au trait de Matisse, leur simplification et leur stylisation. Pour une présentation optimale, les feuillets doivent être installés devant une fenêtre ou bien fortement éclairés.

Travail n°6 : De la tête aux pieds

Ce projet photographique est une série présentée sous la forme d’un triptyque. L’objet photographié est une sculpture, un objet ordinaire détourné en objet artistique. Le titre est un jeu de mots. Il renvoie au procédé de création et évoque de manière symbolique un genre celui du portrait avec l’expression “Portrait en pied”. Il pourrait être mis en lien  avec René Magritte et son tableau de 1947 nommé Le modèle rouge. On peut voir en représentation les deux extrémités du corps : les chaussures pour les pieds et les cheveux pour la tête.  La fragmentation est représentée par la chaussure (les pieds) et les cheveux (la tête). Le principe de métonymie prendre la partie pour le tout est mis en avant. Les cheveux sont des vrais et appartiennent à une amie. Pour ce matériau non artistique à la base, j’ai pensé à Mona Hatoum.

Travail n°7 : extrémités végétales

Technique mixte : photographie, pastel, collage d’éléments végétaux. Les éléments photographiés sont une main et un pied. Je me suis inspirée de l’œuvre d’Ana Mendieta performeuse, sculptrice, peintre, photographe et artiste vidéo américano-cubaine. Son travail se situe à la croisée du Land art et du Body Art. Dans « earth-body » elle recouvre son corps nu allongé d’éléments floraux et végétaux

Pour la fragmentation ce sont les séries photographiques de John Coplans qui me viennent en tête. Dans mon projet, la main est camouflée, elle devient presque un élément étranger. La prise de vue en plongée perturbe l’interprétation de ce que l’on voit.                                      

Le décor bucolique enfantin dessiné au pastel très simplifié contraste avec l’étrangeté des deux images photographiques qui représentent un pied et une main comme ils sont représentés hors-champ on ne les identifie pas immédiatement d’autant plus qu’ils sont recouvert de feuillage. On peut noter divers  contrastes par rapport aux techniques le pastel/la photographie, les motifs stylisés, dessinés/les motifs photographiés, le format rectangulaire de la photographie (petit) s’associe au format Raisin.  Le pastel est une image, les photographies aussi. On a donc une image dans une image ou plus justement on pourrait utiliser l’expression “tableau dans le tableau”.

Travail n°8 : fractions binaires

C’est une série de photographies avec peinture corporelle (ou Body Art) pour le modèle.

Le corps ici devient matériau et support à peindre. Au niveau de la composition d’ensemble, j’ai superposé plusieurs images du modèle, avec des vues plus ou moins rapprochées, ce qui crée un rythme visuel. Le collage est important, il est déterminant car il crée une composition dynamique en quinconce. On peut noter l’aspect “factice” ou  mise en scène avec le visage grimé du modèle. Je lui invente une « nouvelle peau » en conséquence une nouvelle identité par le biais de la peinture. Ce corps hybridé est une manière pour moi de poser des questions d’ordre esthétique, philosophique ou bien éthique. Gilbert et George, sont deux artistes plasticiens britanniques travaillant en couple. Ils se travestissent en costume et recouvrent leur visage de peinture dorée pour leur performance intitulée : Underneath The Arches.

Travail n°9 : « cercles  »

Pour ce dernier travail, j’ai utilisé le procédé du « light painting », j’ai trouvé intéressant d’obtenir une image abstraite alors qu’à la base, il s’agit de mon propre corps photographié alors que je tiens une lampe torche que je fais tourner rapide.

La technique photographique est celle que j’affectionne le plus, elle a été pour moi le moyen de questionner la problématique de l’hybridation à travers celle du corps.

Publié dans Terminales

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