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Problématique : transformation ou inversion de la réalité
Mes sources d’inspirations :
L’artiste DU ZHENJUN mêle trucages digitaux et dessins à la main pour représenter des univers urbains étranges comme sa série “Babel World” présentée à l’exposition La Belle vie numérique
Alain Bublex nourri de données tout autant réelles que fictives, met en jeu le dessin, la photographie et l’installation vidéo pour rendre compte de l’existence du paysage contemporain. Il met en œuvre un système de réinvention de la ville. Plug-In City (1964-2000) fait partie de la première génération de ce programme de réinvention du réel.
Jean-François Rauzier, photographe crée des paysages immenses peuplés de détails insolites comparables à des fresques. Un monde imaginaire dans lequel l’infiniment grand et l’infiniment petit se marient au cœur d’une même vision, dans un monumental format de plusieurs dizaines de mètres carrés appelé hyperphoto. Ce sont des « méga-panoramiques » en ultra-haute définition. Archéologue du futur et « peintre virtuel », Rauzier bâti des architectures improbables. Chaque hyperphoto existe par la prise de vue au téléobjectif de centaines de clichés puis par leur assemblage manuel sur un écran d’ordinateur via un logiciel de retouche. Chaque image est recomposée, « repeinte », adaptée au monde onirique voulu par le photographe. Un monde intérieur ou la transformation et l’inversion de la réalité sont importantes. La photographie n’est pas qu’un miroir du monde reflétant sa réalité objective, mais aussi le miroir de l’âme de celui qui capte ou construit une composition dans la pure tradition du photomontage.
J’ai choisi de traiter la notion d'inversion et plus particulièrement de ce que ce procédé permet de mettre en lumière.
J’ai choisi cette problématique car elle est universelle : elle peut s’appliquer autant à l’art qu’à la vie de tous les jours. Elle est aussi très personnelle : j’essaye toujours, dans toutes les situations, de prendre le contre-pied, de prendre du recul et de me mettre à la place des autres pour faire émerger des réflexions nouvelles.
Le thème étant très vaste, j’ai décidé d’axer chaque travail sur un domaine précis, et d’expliciter son effet sur le spectateur.
En premier lieu, j’ai voulu traiter de la réalité et de la fiction : comment leur inversion peut-elle avoir un fort impact sur notre perception, et tromper le spectateur.
Le premier projet intitulé « Et si les hommes volaient ? » a été réalisé grâce à une technique mixte alliant dessin, collage et photomontage. C’est une image figurative réalisée sur un format Raisin. Ce travail est constitué de plusieurs éléments textuels et visuels comme des dessins ou des photographies. Les couleurs sont principalement le noir et le blanc, excepté la section en bas à gauche à dominante bleue. Enfin, une partie principale au centre de l’image attire l’œil du spectateur. Il s’agit d’une représentation d’une pseudo planche scientifique, témoignant de l’existence d’une lignée dérivé de l’Homme possédant des ailes : L’Homo Sapiens Angelus. J’ai représenté un univers entièrement fictionnel mais en le rendant plausible par l’utilisation de schémas d’allure scientifique et de légendes latines. Mais j’ai réellement élaboré des calculs afin d’établir les proportions des ailes d’un homme « s’il volait ». D’un point de vue mathématiques ces dimensions sont fiables elles témoignent de l’insertion de la fiction dans la réalité. Je me suis inspirée de Joan Fontcuberta et de son exposition “Fauna” créé en 1985, l’artiste mêle différents éléments (textes, photographies, radiographies, animaux naturalisés, etc.) pour créer un univers fictif mas rendu plausible par le recours au langage scientifique. J’ai donc inversé réalité et fiction, en partant d’une fiction pour tenter de créer une réalité aux yeux du spectateur.
Pour le second travail, j’ai pris le contre-pied de ce principe. Intitulé “An Other World” ce photomontage numérique réalisé grâce au logiciel CSP pro et imprimé sur un format Raisin utilise la réalité comme matière première pour créer de la fiction. Comment le principe d’inversion peut-il tromper l’esprit du spectateur et le transporter dans un univers onirique.
La palette chromatique est principalement constituée de bleu, mais élargie par le panel de couleurs qu’offrent les paysages représentés. On peut voir en deuxième plan un métro dont les fenêtres ont étés remplacées par des photographies de paysages ou de lieux. Au premier plan on peut voir un hippocampe avec une valise attendant sur un quai suspendu. Ce travail représente un métro entièrement fictif, capable d’amener n’importe qui ou quoi n’importe où, et ce en un seul voyage.
J’ai photographié la rame d’un métro, qui fait partie de mon quotidien. Ensuite, j’ai cherché à me servir de cette base réelle, ainsi que de celle des paysages, pour créer un monde entièrement fictif et capable de transporter le spectateur.
Ainsi, l’inversion du réel et du fictif, à l’inverse du premier projet, serait un outil de voyage, à l’image du métro. Je me suis imaginé comment ce travail serait mis en place dans un musée réel. Il faudrait qu’il soit représenté en très grand sur tout un pan de mur, à échelle 1 voir plus, afin que le spectateur soit totalement pris dans cet environnement fictif, comme un portail vers un autre monde. L’effet recherché serait ainsi le même que chez Véronèse, à savoir tromper et transporter le spectateur. Pour renforcer le lien avec les fresques de la villa Barbaro, je me suis demandée s’il serait plus intéressant de présenter une peinture murale hyperréaliste ou bien une image imprimée de type affiche publicitaire comme on peut trouver sur les quais du métro.
Avec “Chaos” mon troisième projet j’ai voulu montrer que l’inversion peut être un outil au service de la destruction. C’est un dessin de format A3 représentant une accumulation d’éléments très divers portant tous sur les sciences : formules mathématiques, schémas, textes, définitions. Mais tous ont subi une inversion d’une lettre, d’un chiffre ou bien pour les définitions d’un déplacement de l’ordre des termes. En ce qui concerne les illustrations, j’ai utilisé le logiciel “universe sandbox” J’ai modifié un élément en inversant des chiffres ou des emplacements et reproduit tel quel le résultat. J’ai voulu perdre le spectateur, en brouillant sa perception : le travail n’a littéralement aucun sens, mais aussi n’a pas de couleur et les dessins ne sont pas explicites. De plus, j’ai dessiné sur les deux faces de mon support pour témoigner physiquement du chaos. La finalité était de montrer qu’une toute petite inversion peut rendre une chose totalement incompréhensible, obsolète, voir aberrante. Je laisse libre le spectateur de manipuler l’image-double mais sans explications ce qui renforce selon moi la non compréhension de cette représentation insolite. Ce projet est donc une manière de montrer matériellement le pouvoir destructeur du procédé d’inversion. Pour le prochain projet, j’ai inversé cette affirmation : l’inversion peut aussi créer.
Le but de mon Quatrième projet titré « Onaip » a été de matérialiser de potentiel créateur de l’inversion. J’ai donc eut recours à une inversion physique. Il s’agit d’un travail qui allie le son, le dessin présenté sous la forme d’un triptyque et un collage. Ce projet est constitué de trois parties. La première est un photomontage de partitions : les clefs ont été inversées, elles sont scellées sous un cadre. Scellées car c’est le seul moyen pour qu'aucune modification ne soit apportées. Il y a ensuite une bande sonore, enregistrée puis mixée grâce au logiciel IMovie, et pour finir une série de planches afin de rendre compte d’une potentielle présentation. Étant impossible à réaliser, elle prendra la forme de schéma explicatifs.
J’ai, dans un premier temps, pris la partition de “la lettre à Élise” de Beethoven (1810), puis j’ai grâce à un logiciel, inversé les notes de manière à inverser les clefs. Ensuite, j’ai joué la nouvelle partition obtenue tout à fait normalement, mixée grâce au logiciel Imovie et je voudrais que le résultat soit diffusé en même temps que la présentation des partitions.
J’ai choisi le morceau “La lettre à Élise” car c’est le morceau le plus joué au piano. C’est généralement le premier morceau appris, comme mon cas, et c’est aussi une mélodie connue de tous. Ainsi, j’ai souhaité transformer par inversion le mélodie la plus connue au piano pour montrer que l’inversion peut en effet être créatrice, et ici créer une toute nouvelle musique. Pour matérialiser ce projet sous la forme d’une installation les partitions sont présentées encastrées dans un meuble sous une plaque de verre, collé au mur et à côté d’une salle, un siège est disposé à l’envers près de la porte. Dans la pièce le spectateur écoutera la mélodie seule puis pour comprendre le principe d’inversion il lui faudra observer les partitions sous verre. Le rôle du siège : écouter sans voir les partitions mais cette fois-ci en connaissance de cause. Bill Viola recours parfois à l’inversement de ses bandes sonores dans ses projets vidéos.
Ce projet est donc une manière de montrer matériellement le pouvoir créateur des inversions. Mais ce principe ne fait pas uniquement que créer, c’est aussi un révélateur et est pour moi l’outil majeur d’un artiste engagé.
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L'inversion, et plus particulièrement l’inversion des rôles est un outil magnifique pour mettre au jour des idées, des points de vue différents et ce de manière universelle. Le 5e travail titré « Traités comme des hommes » est un dessin numérique réalisé grâce au logiciel CSP pro, au format portrait de 17 par 24 cm. La palette chromatique est restreinte aux deux couleurs complémentaires le bleu et l’orange. Il y a deux éléments : une fille anthropomorphe mais aux allures de poissons clown. Le personnage est penché et tient entre ses mains un aquarium qui contient une ville entière.
Elle a un air dominateur, renforcé par le fait qu’elle surplombe la ville. Toute la représentation repose sur l’inversion des rôles entre deux mondes : poisson et Homme. J’ai voulu à travers ce personnage hybride inverser les rôles entre les Hommes et les animaux. Cet échange est d’ailleurs poussé jusqu’au titre, (inversion de “traités comme des animaux” ou “traité comme un chien”). Ainsi, c’est par l’inversion des places que le message que porte ce dessin peut apparaître. Le spectateur peut faire l’analogie entre son propre monde, la ville, et celui de son poisson : un petit aquarium. La lourde possession des Hommes est retranscrite, et l’enfermement de l’animal. Ainsi, seule l'inversion permet de prendre conscience d’un point vue normalement inaccessible. J’ai également voulu présenter le dessin sur un petit format, afin de forcer le spectateur à venir s’approcher et à se confronter, et ne pour ne pas juste regarder le projet de loin. J’ai eu la volonté de faire avec une campagne anti-fourrure qui montrait un renard avec une écharpe en humain. Mais il y a peu, j’ai découvert un dessinateur qui utilise ce principe, mais dans un style beaucoup plus bande dessinée, et plus violent : Vin Paneccasio.
Pour le dernier travail nommé « Parcours » réalisé en dernier, j’ai décidé d’inverser non pas un concept comme avec les premiers projets, mais d’inverser tout mon travail. Durant toute mon année, j’ai réalisé des projets pour une finalité, un résultat physique à présenter aujourd’hui. Donc, mon travail servait un rendu final et était finalement invisible. J’ai alors décidé d’inverser ce pourquoi je travaille en sublimant l’acte même de dessiner.
J’ai pour cela réalisé une vidéo à l’aide du logiciel IMovie, d’une durée de 1 minute 46s au format paysage. J’ai utilisé un téléphone portable équipé d’une lentille d’appareil photo jetable. La musique est tirée d’une bibliothèque libre de droit : Audio Library. Le travail est constitué d’une succession de très gros plans, montrant un feutre en train de dessiner, fixes ou mobiles. Au montage j’ai créé des ralentissements, des accélérations, j’ai modifié certaines images en variant le degré de netteté jusqu’à les rendre floues. Tous les plans sont arrangés en accord avec la musique et est divisé en trois parties. Une plus lente au début, uniquement violon et piano. Il n’y aucun ralenti et les mouvements sont fluides. La deuxième partie est marquée par un rythme plus rapide, suivie par celui du ralenti. Elle est plus dynamique et possède un fils rouge : un plan qui traverse toute la feuille. Pour finir, dans la dernière partie une cloche se fait entendre et certains plans sont accélérés. On finit par la présentation du résultat, qui ne donne rien de concret.
J’ai voulu utiliser tous les codes classiques du cinéma (ralenti, musique rythmée…) afin de sublimer l’action même de dessiner et de montrer que l’art n’est pas forcément fait pour un résultat final. C’est d’ailleurs pour cela que je ne vous présente pas le résultat. Je l’ai déchiré après avoir fini le montage.
Je voulais montrer que le parcours peut être aussi beau et appréciable que la finalité. C’est d’ailleurs très intéressant de voir les réactions des spectateurs : beaucoup pendant le passage de la vidéo me disais “j’ai hâte de voir le projet final ». Pour l’art conceptuel, l’idée prime souvent sur le résultat final. Le côté esthétique soigné, la qualité du son (le crayon qui glisse) pendant le tournage des séquences peut se rapprocher du travail de Bill Viola.